Serait-ce une mauvaise idée ? [PV]

Nouveau Nombre de messages : 13 Age : 31 Date d'inscription : 26/01/2009

L’interdiction est de loin la chose la plus idiote que ce monde ait pu un jour inventée. Elle attise, sournoise, les esprits rebelles, les tirant de leur torpeur quotidienne et les incitant à braver ces fameux interdits pour en tirer une gloire quelconque, heureux de passer le joyeux casse-cou de la bande, celui prêt à faire tout et n’importe quoi du moment que l’on colle une étiquette sur un lieu.
« Maison hantée » ? Quoi de mieux pour prouver son courage aux yeux des autres… « Attraction terrifiante » ? La course aux honneurs au sein d’une bande était inflexible et les plus faibles étaient écartés. Les paris, les menaces étaient le lot quotidien de tous. Mais, pire que tout, interdire les couloirs d’une école relevait d’un certain manque de savoir faire et la notoriété qui en découlait pour tous ceux qui avaient été assez hardis pour s’y aventurer atteignait dès lors son apogée.
Le mieux aurait encore été de conseiller les élèves de ne pas s’y hasarder, mais afficher un grand écriteau pourvu de cette délicieuse écriture rouge décrétant que le couloir vers lequel on se dirige est condamné… L’idée est suicidaire… Et ce n’est pas un personnage ennuyé comme l’était Siel Haydn à cet instant qui démentirait cette affirmation.

Arrivé il y a de cela trois jours au sein de ce pensionnat, il avait vu ces trois atroces journées s’étirer comme un chewing-gum trop longuement mâché, rêvant d’un incendie peu probable qui aurait pu venir étayer, le temps de quelques heures, ces secondes qui lui paraissait si longues et imperturbables.
Chacun vaquait à ses occupations quotidiennes, répétant telle une litanie sans fin des gestes exécutés moult fois, ne semblant pas se soucier de la cadence à laquelle ils menaient leur vie. Etudier, manger, sortir, manger encore, se laver et aller se coucher. Si tel était le programme qui allait rythmer ses prochaines années, il annonçait d’ors et déjà sa démission et préférait quitter les lieux sur le champ. Néanmoins, sa très chère famille d’accueil n’aurait jamais permis ce revirement dans une situation qui leur assurait un certain confort personnel durant quelques années et se serait empressée de faire intervenir les droits qu’elle avait sur sa pauvre personne pour le forcer à demeurer prisonnier à tout jamais de cette école… Et quitte à rester ici, il préférait laisser croire que c’était de gaieté de cœur plutôt que de subir une humiliation plus que probable s’il osait revendiquer le droit de rentrer chez lui.

L’écriture criarde lui sauta aux yeux, agressant son esprit embrumé et le réveillant du même coup. Sa curiosité s’étira avec ravissement alors que son regard se dirigeait, gourmand, vers l’au-delà d’une porte qu’il n’avait pas le droit de franchir. Amusé par la situation et s’employant à entretenir cet esprit gamin et infantile qui lui permettait de faire de son rôle d’aîné un rôle résolument grandiose et brillant dans lequel il excellait, il déposa ses longs doigts fins sur la poignée de la porte de bois et la tira brusquement.
S’il s’était attendu à ce que le battant lui résiste, il fut déçu de constater que celui-ci ne lui avait témoigné aucune opposition, l’invitant à franchir son seuil. Derrière ce morceau de bois, et ce malgré son imagination fertile qui lui avait préparé tout un tas de scénarios plus fantasques les uns que les autres, il ne distingua rien d’autre qu’un long couloir qui s’étirait paisiblement, éclairé par endroits, demeurant sombre dans d’autres… Sûrement que ces effets de clair-obscur étaient là pour garder un semblant de mystérieux, voir mystique, à un lieu qui n’avait rien d’étrange ni d’attrayant.
N’ayant rien d’autre à faire de sa journée et sa lassitude ayant déjà atteint son paroxysme, il accepta de répondre à cette invitation et se glissa à l’intérieur, laissant la porte légèrement entrouverte, histoire de vérifier si, comme dans tout film d’horreur qui se respecte, celle-ci allait brusquement se refermer dans un claquement sourd. Peut-être que les lumière, déjà bien faiblardes, allaient s’éteindre soudainement et qu’un grognement allait sortir de l’ombre…

Fort préoccupé par une mise en scène qui ne vint pas, il avança silencieusement le long du couloir, frôlant de sa main la pierre froide qui n’avait décidément rien d’extraordinaire. L’intérêt qui s’était éveillé pour ce lieu qu’il pensait maudit retomba aussi vite qu’il était venu et c’est avec une déception qu’il ne cacha pas qu’il entreprit d’explorer un endroit qui l’ennuyait déjà.

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